Le récit à propos du citoyen passionné par la chose publique, investi dans les affaires de la cité et prêt à s’engager dans sa gestion est un mythe. L’observation de la participation citoyenne au « jeu politique » montre que le désintérêt laisse une place de plus en plus grande à la défiance.
L’effacement des partis politiques, la montée des votes contestataires ou l’abstention grandissante sont autant de marqueurs non seulement de la mise à distance de la politique mais aussi d’un rejet grandissant. Un rejet des « codes » du débat public et d’une « classe politique » soupçonnée de se détourner de l’intérêt général, et démocratique, au profil des intérêts de « groupes dominants » qui seraient guidés par une volonté de préserver leurs positions dominantes.
De leur côté, les élus expriment au fil du temps une technicisation des missions, la difficulté à agir dans un cadre réglementaire et budgétaire très contraint, l’émergence d’un « citoyen-client » face à un « élu-prestataire » et la difficulté croissante à conduire des projets dans le temps du mandat.
Le « mandataire » et le « mandaté » ferait-il le même constat ? Le désengagement des citoyens et la chute des vocations politiques serait-il le signe d’une déception réciproque ? La démocratie représentative serait toujours « en crise » (Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Calmann-Lévy, 1995) parce que l’écart entre sa promesse initiale et sa réalité constatée se creuse.
Chose publique a été pensé en partant du présupposé que les élus ne sont pas une « classe » en dehors de toute chose et que les citoyens ne sont pas extérieurs à la « politique ». Plus qu’une crise de la politique, notre démocratie souffre d’une crise des mécanismes de la représentation.
L’instabilité institutionnelle, le débat sur le cumul des mandats ou la mise en place de la proportionnelle lors des élections législatives démontrent qu’il y a lieu de repenser le lien entre les électeurs et les représentants. Et de le faire en tissant un lien permanant d’expression du citoyen vis-à-vis des politiques publiques conduite en son nom et pour lui.